Pierre Cardin, Créateur Visionnaire
En nous quittant le 29 décembre dernier à l’âge de 98 ans, Pierre Cardin, né Pietro Costante Cardini en Italie le 2 juillet 1922, semble avoir tourné une page de l’histoire de la mode : il en fut l’un des acteurs les plus prophétiques. Tout à la fois génie créatif et businessman avisé, il avait dessiné au sein du paysage d’après-guerre, une mode "Space Age” pionnière et futuriste sur le même accord que Paco Rabanne et André Courrèges.
Ayant débuté sa carrière à 14 ans dans l’atelier d’un tailleur de Saint Etienne, et après des passages plus ou moins remarqués dans les maison Paquin, Schiaparelli et Dior, où il participe notamment aux côtés du maître à la naissance du Tailleur Bar, c’est en 1953 que naît sa première collection.
"Le vêtement que je préfère est celui que j'invente pour une vie qui n'existe pas encore, le monde de demain.”
Robe bulle, costume noir à col Mao des Beatles, combinaison Cosmocorps, pantalon à roulettes, robe Cardine ou coiffes inter-galactiques… en plus de 70 ans de carrière, Pierre Cardin était parvenu à inscrire nombre de ses créations au rang d'icônes. Devenu aujourd’hui l’un des chantres du vintage, force est de constater que les graphismes futuristes, matières révolutionnaires et volumes sculpturaux de ses créations imprègnent infiniment notre mémoire commune. Pourtant, son travail nous parle d’une langue inconnue. Et là réside son talent. Visionnaire.
Force d’expérimentation, ayant farouchement à coeur de démocratiser la mode, Pierre Cardin a ainsi su balayer les codes et trancher à grande lame au coeur des années 50 et 60. En 1959, dans un paysage mode régi par une Haute Couture attachée à la distinction traditionnelle des genres, il signe pour le Printemps une collection de prêt-à-porter qui fait alors grand bruit. Avant-gardiste par conviction, dès l’année suivante, il s’impose comme le tout premier créateur à faire défiler des hommes.
"Devenir une marque, car une griffe ça disparaît au bout de trois mois, alors qu’une marque ça reste.”
Mais au-delà du créateur, Pierre Cardin a su imposer sa marque au panthéon des business model. Ouvert à l’international, le créateur était parvenu à imposer sa maison dans plus de cents pays, à grand renfort de licences, dont il avait compris très tôt les bénéfices, et de shows extraordinaires destinés à décupler son aura. Touche à tout iconoclaste, il fut ainsi éditeur de design, de parfums et de bijoux, à la tête d’une fondation d’Art dès les années 70, mais également propriétaire du restaurant Maxim’s depuis 1981. Fréquemment pointé du doigt pour avoir apposé ses initiales sur une quantité d’objets improbables, briquets ou papiers peints, Pierre Cardin en ressortait néanmoins une fierté réelle. Souriant toute sa vie à ses détracteurs, cet esprit libre, indépendant financièrement depuis ses débuts et farouchement attaché à cette position, avait ainsi su se mettre à l’abri des grands groupes.
Homme d’affaire averti et artiste hors norme, Pierre Cardin avait aussi été le Premier couturier de l’Histoire à entrer à l'Académie des beaux-arts en 1992. Preuve, s’il en est, que par delà l’audace, par delà l’énergie farouche, le créateur était parvenu à imposer une mode sans âge, éternelle, jouant avec maestria sur les frontières de l’Art.